L'extase et l'occident

a propos de Khaznadar et de Duvigneau sur Chebika

Wim van Binsbergen's webpage on Khumiriyya (N.W. Tunisia), late 18th - mid-20th century

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(c) 2006 Wim van Binsbergen

L’EXTASE ET L’OCCIDENT

a propos de Khaznadar, et de Duvigneau sur Chebika

Wim M.J, van Binsbergen[1]

 

Traduction très provisoire (avec excuses) d’un article néerlandais intitulé ‘Extase en het westen’, paru dans la revue Dansbalans (Pays Bas), octobre 1971, pp. 30-34.

 

1.

 

Partout nous voyons une attention croissante pour la musique et la danse extatiques non-occidentales; l’article de M. Chérif Khaznadar (compte-rendu du quatrième Festival des Arts a Shiraz, Iran, 1970) en est encore une preuve, (1)

            Aujourd’hui beaucoup de phénomènes extatiques non-occidentales sont excellemment documentés (par des relations et des films); mais la confrontation entre ces phénomènes et la culture occidentale n’est a peine commencée, tandis que même les savants spécialisés en cette matière ne sont pas encore avancés très loin dans leur explication systématique. En conséquence l’ article de M. Khaznadar a du rester un peu vague et incohérent, Cependant ses idées principales sont d’une haute importance. Voici une tentative de paraphrase.

            Les phénomènes de transe ne sont pas exclusivement exotiques, ou même maladifs, Au contraire, ils sont extrêmement importants. Au moyen des rythmes corporels et musicaux, ils provoquent un retour sur soi-même chez celui qui s’en occupe, et le mettent en rapport immédiat avec l’inconscient. D’une manière générale, ceux qui s’y adonnent expliquent leur état extatique en termes d’êtres invisibles et non humains, qui prennent possession de l’homme et qui, temporellement, dirigent ses gestes et ses paroles. La transe peut avoir plusieurs effets, parmi lesquels M, Khaznadar signale: la thérapie collective; la création d’un monde imaginaire, passager mais consolateur; et même, peut-être, la prise de conscience de la condition sociale, comme point de départ du développement d’ alternatives socio-politiques. Comparés aux formes d expression traditionnelles occidentales, les phénomènes de transe font entrer en jeu, d’une façon beaucoup plus étendue, la totalité corporelle et psychique de l’homme (et, par suite, facilitent l’accès a l’inconscient) ; en outre dans ces phénomènes il manque cette caractéristique de l’expression occidentale: l’ accent mis quasi-exclusivement sur la parole (qui, pour ainsi dire, obscurcit l’inconscient), La culture occidentale (dont nous signalons des manifestations telles que le théâtre moderne et l’”underground” des jeunes) s’achemine vers une expression non verbale et rythmique qui de plus en plus approche des phénomènes de transe non occidentaux. M, Khaznadar interprète ce processus comme “une fuite dans le silence et la métamorphose de la parole qui lui (l* Occident - vB) permettrait, refusant une société rationaliste et technicienne, de retrouver une société organique et le sens du sacré”.

2

Dès 1968 je m’ai occupé des danses extatiques dans la montagne de développement en Afrique du Nord.

            Le première fois que j’assistai la~bas à une séance de transe, je ne comprenais rien aux textes, ni aux représentations religieuses associées a ces activités. La musique, les mouvements du corps, les feuilles de cactus qu’on agitait - tout cela ne correspondait a rien qui me fut familier. Mais ne serait-ce pas à force de ne pas comprendre les détails précisément, que j ai pu être absorbé par la totalité de ce qui se passait a deux mètres de moi?

            Comment dépeindre cet effet? Une pièce de musique, par exemple, peut faire une impression unique, presque foudroyante, sur celui qui l’écoute. Cela ne s’explique pas directement par des éléments bien distincts dans l’oeuvre, ou par l’interprétation psychologique de ces éléments; l’ effet se manifeste a un niveau profond et archaïque, à un niveau où la communication et interprétation ne sont plus qu’a peine possibles. Or, mon expérience de la danse extatique se laisse comparer a cette impression. Assiste par les musiciens, le danseur représentait un drame universel, une lutte pour la forme expressive, qui, partant de la disparité désespérée du début, conduit a une unité harmonique finale et au delà des frontières de la conscience. Au cours de quelques dizaines de sessions auxquelles j’ai assisté par la suite, j’ai souvent cherché en vain cette intensité: c’est que le danseur comptait entièrement sur sa routine et sa virtuosité. Mais à certains moments ces danses m’ont fourni encore des sensations de la même, voire d’une plus grande, intensité que je ne connaissais des formes artistiques de l’Occident. Bien entendu, l’objectif de ces sessions n’était pas de faire de l’art; les activités du danseur et des musiciens sont considérées, localement, comme un métier, mais il s’agit alors d’un spécialisme religieux, et non pas artistique.

            Cette confrontation a raffermi ma réserve a l’égard de l’art traditionnel de l’Occident. La danse extatique maghrébine se sert de textes assez simples: un genre de poésie (rimée et en vers métriques) qu’on peut comprendre parfaitement avec une connaissance modeste de la religion populaire. Ni la musique, ni la danse ne sont, suivant nos notions, vraiment compliquées ou esthétiques. Par centre, les formes modernes , occidentales, de la poésie, de la musique et de la danse sont extrêmement compliquées, résultat d’une tradition qui se renouvelle continuellement, et elles demandent une Éducation artistique et technique bien solide avant qu’on sache les goûter. Toute la culture artistique de l’Occident ne se fanera-elle donc pas vite par des contacts de plus en plus nombreux avec la multiplicité des formes culturelles non-occidentales - des formes qui offrent, apparemment, une expression plus complète, un accès plus direct &, un fond de l’existence humaine, et, peut«-être, un plus grand dynamisme?

3

Le problème posé ci-dessus n’est pas nouveau. Il y a un demi-siècle, les pessimistes de la philosophie culturelle esquissaient déjà leur cauchemar d’une Europe condamnée a la ruine et supplantée par les cultures non-occidentales (cultures sur lesquelles ils n’étaient guère renseignées et sur lesquelles ils ne pensaient qu’en des lieux communs fort négatifs) «

            Aujourd’hui notre connaissance est plus grande, et elle nous permet d’éviter de nouveaux préjugés, optimistes a leur tour.

            Sur M. Khaznadar de même que sur moi, les formes culturelles extatiques non-occidentales exercent une grande attraction. Mais ce fait, ne doit»on pas l’expliquer primairement par ce que nous sommes en dehors (lui par une éducation intellectuelle occidentale, moi de naissance)? Notre enthousiasme, ne vient-il par primairement de ce que nous sommes frappés par une chose qui d*un coté semble familière et universelle, mais qui de l’autre a toute l’attraction de l’exotisme? Probablement, nous regardons la danse extatique d’un autre oeil que les membres (adeptes ou non-initiés) de la société a laquelle cette danse appartient. Du moins, dans dont, I’assistance non-»initiée n’est pas exactement émotionnée par les sessions: pour les spectateurs la session offre une forme de recréation normale, agréable, mais rarement excitante.

            Selon M. Khaznadar, l’attention que l’Occident montre pour l’extase non-occidentale pourrait le conduire, “en refusant une société rationaliste et technicienne, a une société plus organique. Je soupçonne cette thèse être basée sur le préjugé persistant du “bon sauvage et de la société non-occidentale soi-disant dominée par l’harmonie, l’intégration parfaite et la chaleur des rapports humains.

            A pressent nous savons que les autres sociétés offrent, tout comme l’Occident, le spectacle de conflits permanents et de crises psychologiques. Dans la majorité des cas les phénomènes de transe ne semblent pas être l’expression d’une sérénité harmonique, mais plutôt de la lutte pour surmonter, d’une manière symbolique, les conflits et le chaos, en mettant en jeu tous les moyens corporels (y-compris les moyens verbaux) et psychiques. Les exemples que cite M. Khaznadar même suffisent comme illustration: les Chi’ites qui se séparaient de la majorité de l’Islam; le “zar”, qui est principalement préoccupé de la guérison; les Africains déracinés a Accra, au Brésil et en Haïti la paupérisation des nord-africains. Les conflits qui se manifestent dans les phénomènes extatiques renvoient soit à un large contexte social (cf. les problèmes d’une minorité sociale ou l’impuissance collective a l’égard de la déprivation et des maladies); soit aux conflits individuels tels qu’ils sont engendres au sein du petit groupe (la famille, le village) et qui font l’objet de la psychologie des profondeurs soit, finalement, aux problèmes universels avec lesquelles chaque individu et chaque groupe, quelle que soit sa situation sociale et psychique, est aux prises : le sens de la vie, la mort inévitable.

            Si nous admettons qu’en général l’extase part d’un certain problème dramatique, quels sont donc les effets positifs que nous pouvons attribuer à l’extase ?

            Premièrement, il y a l’harmonie évidente au paroxysme de I’extase même. Dans son intensité I’extase, tant qu’elle dure, a une force rédemptrice. L’extase apparaît comme une grandiose condensation du moment actuel, dans laquelle le passé et le futur s’évanouissent dans un instant d’unité avec tout ce qui existe. Alors qu’on s’achemine vers ce paroxysme les problèmes sous-jacents obtiennent une expression symbolique (verbalement, mais surtout par le rythme total), pour être finalement surmontés (toujours symboliquement) par le contact avec l’inconscient. (La psychologie des profondeurs, et surtout celle de Jung, bien que rejetée par M. Khaznadar et ses collègues au congres, possède l’équipement pour une exploration, encore tentative, de cet aspect de I’extase.) L’extase nous mène, ne fut«ce que pour quelques instants, a une forme unique, totale , de la condition humaine. Cet effet suffit pour donner a I’extase sa valeur et sa justification.

            Strictement parlant, l’harmonie extatique ne survit pas a I’extase propre; elle s’évanouit des que le sujet se recueille. Cependant, souvent le triomphe symbolique remporté pendant I’extase se fait sentir après, dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi beaucoup de sociétés humaines se servent de l’extase comme d’une thérapie psychosomatique. L’extase occasionnelle est susceptible de contribuer a l’harmonie et a I’hygiène psychique générales.

            Ce dernier effet n’est pas entièrement favorable. L’extase est une méthode formidable tant qu’il s’agit d’intérioriser des problèmes en les résolvant d’une manière (exclusivement) symbolique. En effet il y a des problèmes énormes et universels (tels le sens de la vie, la mort) qui ne pourraient être résolus que du dedans (par la religion, I’extase, etc.). Mais pour les problèmes d’une autre catégorie (tel la paupérisation, l’oppression sociale les maladies d’origine exclusivement corporelle) I’extase n’offre qu’une solution illusoire dans les cas précisément où l’on est incapable, pour le moment, d’améliorer effectivement les conditions extérieures qui se rattachent à ces problèmes (par un programme sociopolitique, par l’action, par la violence au besoin}. Dans ces cas I’extase n’est qu’une “soupape de sûreté’ : les tensions succulent, mais leurs causes ne sont pas enlevées (quand même cela serait bien possible).

             L’extase pourrait nous conduire a la prise de conscience de notre condition sociale, écrit M. Khaznadar. Et il se réfère aux expériences de M. Duvignaud dans un village en Tunisie du Sud, Chebika, décrit dans un ouvrage du même nom (2)* Pour évaluer cette thèse de M, Khaznadar, il nous faut plus de renseignements sur ce livre retentissant qu’il ne donne dans son articlé

            Pendant un certain nombre d’excursions de recherche (couvrant une période de cinq ans), M, Duvignaud et ses étudiants de l’université de Tunis se sont mis en contact avec la société de Chebika, que le livre dépeint comme paupérisée, apathique et désintégrée. Pendants-les interviews les habitants révélaient leur conceptions du monde et de leurs rapports mutuels,

,  rappelaient a leur conscience des coutumes et des représentations oubliées depuis longtemps, et retrouvaient graduellement leur propre identité. Après cinq ans ils ont brisé leur apathie, en s’opposant, comme un seul homme, aux autorités: ils ont montré le désir de tourner le travail imposé par 1’Assistance de chômage vers des buts locaux et choisis par eux-mêmes. Dans cette prise de conscience M. Duvignaud veut voire une “transe active; mais en fait ce cas n’a rien a voir avec la transe, Ici il s’agit d’un groupe d’hommes qui en pleine conscience (plus conscients, probablement, qu’ils n’ont jamais été), retrouvent la confiance en eux«mêmes et leur unité, ayant la volonté tenace d’employer leurs forces pour le développement rationnel et autonome de leurs environs immédiats (la construction de maisons, l’agriculture, l’électrification, les outils, etc.). Voici un moment révolutionnaire et purifiant «* mais pas extatique !

            (D’ailleurs, le rôle qu’a joué M. Duvignaud dans cette histoire est assez blâmable. Il se vante d’avoir causé la prise de conscience et l’ action des villageois de Chebika, Mais au moment décisif il les a abondonnés a leur sort (bloqués dans la carrière de I’Assistance de chômage, dans laquelle, au cours de quelques jours et nuits, trois parmi eux décédaient). Lorsque le conflit a éclaté, & M. Duvignaud s’est enfui de ces gens qui, naturellement, comptaient sur lui. Il s’est contenté de quelques entretiens peu engagés avec des hommes politiques, et ce n’était que deux mois plus tard qu’il s’est présenté de nouveau a Chebika, pour enregistrer (le carnet à la main) comment le mouvement qu’il avait engendré lui même avait avorté dans l’impuissance et l’isolement. Que tout cela ne l’empêche pas d’en écrire d’un ton tellement o congratulatoire, m’a laissé perplexe.)

            Les événements de Chebika ne confirment point la thèse de M. Khaznadar, suivant laquelle l’extase peut conduire a la prise de conscience de la condition sociale. Et je ne crois pas que nous trouverons jamais d’autres arguments. La transe peut mener aux éclats de violence et de destruction, bien sur. Mais les hommes ne se réveillent pas de leur transe pour faire, pi positivement, la révolution. L’extase n’occupe pas une place centrale dans la vie quotidienne. En ce qui concerne les problèmes socio» politiques/O concrets, l’extase ne représente pas une force vraiment progressiste.

 L’extase peut avoir une très haute valeur pour l’Occident, Mais une culture occidentale (ou plutôt mondiale) radicalement renouvelée ne doit pas seulement se familiariser avec les profondeurs archaïques de l’aine, mais doit aussi, en même temps, développer des alternatives dans la réalité sociale concrète (en se servant, dans la mesure du possible, de la rationalité et de la technologies). Si ce dernier aspect est négligé, le résultat sera nécessairement une impuissance sublime; les phénomènes extatiques seront un autre “opium du peuple ».

            Peut-être n’est-ce pas tout à fait par hasard que l’extase fut réhabilitée précisément lors d’un congres en Iran. M. Khaznadar signale la situation géographique et la richesse du patrimoine iranien - mais rappelons-nous aussi que l’Iran est à présent un État conservateur et policier.

4.

Au siècle passé déjà les membres de l’ordre marocain des ‘Aissaua, danseurs extatiques par excellence, out produit une forte impression à l’Exposition universelle de Paris. Mais est-il possible de donner, dans la culture occidentale, une autre place a l’extase non-occidentale que celle d’une curiosité passagère, fortuite?

            Quelle que soit l’universalité du processus extatique, la forme dans laquelle l’extase se manifeste (a l’intérieur d’une certaine société) implique généralement un système de conceptions religieuses qui, pour la plupart d entre nous, est essentiellement inacceptable.

            Cette difficulté ne semble pas être insurmontable, Bien qu’en général les phénomènes de transe sont liés a une religion, on peut les en dégager. Un exemple littéraire peut nous éclairer ici.

            Pour nous borner aux mots utilisés et aux conceptions auxquelles ces mots renvoient, nous pouvons diviser la poésie contemporaine en poésie religieuse (la minorité) et poésie non religieuse. Le processus poétique qui est responsable de l’ impression profonde que certains poèmes peuvent faire sur certains lecteurs, est essentiellement le même pour la poésie religieuse et non-religieuse. Pour goûter cette partie de la poésie de Péguy dans laquelle des mots comme “Dieu”, “Jésus” etc. sont utilisés, il n’est pas nécessaire être chrétien •» il suffit de connaître la langue française et d’avoir quelque éducation littéraire. Toutefois, d’un autre point de vue, on peut soutenir la thèse que précisément ces expériences qui sont le but de toute poésie de haute qualité (religieuse ou non), frisent toujours la religion; mais alors il ne faut plus définir la religion comme un ensemble de représentations qui concernent des êtres non humains et invisibles, mais comme un processus personnel qui rejette l’homme sur lui même. C est ainsi qu’on arrive a une conception de la poésie dans laquelle les mots ne sont que des véhicules qui, par les voies de leur structure d’ensemble, nous conduisent a des expériences existentielles et au contact avec 1 inconscient. De cette façon on ne conteste pas que les mots puissent avoir un sens, que certains mots puissent être associés a des représentations religieuses concrètes (c.-a-d. qui renvoient aux êtres non humains et invisibles); mais tout cela n’est plus essentiel pour le processus poétique proprement dit.

            De le même manière, a mon avis, le contenu religieux concret des p de transe (les textes, les représentations qui s’y rattachent) n’est qu’un moyen, et n’est point essentiel; par centre, ce qui est fondamental c’est

 la sensation (“religieuse”, si l’on veut) vers laquelle on est mené par le rythme.

            Il y a aussi d’autres arguments, moins théoriques , pour défendre la séparabilité de l’extase et de la religion concrète. Dans une certaine époque de l’histoire de la mystique musulmane les adeptes se sont servis, pour atteindre leur extase, de textes qui, a première vue, étaient des poèmes érotiques; ce n’est que par un symbolisme complique que ces poèmes permettaient une interprétation dans le cadre du rapport entre Dieu et I’homme. En plus: dans dont l’extase utilise des textes religieux concrets; mais parmi les danseurs il y en a qui refusent a ces textes tout intérêt quant a leur sensation pendant la transe; parfois même ils nient tout rapport entra la danse extatique et la vénération des êtres invisibles dont ces textes parlent.

            M. Khaznadar suggère que l’Occident, en s’occupant de l’extase, peut retrouver le “sens du sacré”. Cela ne peut pas impliquer qu’il nous faille chercher notre salut désormais dans l’ adoption forcée des représentations religieuses concrètes qui sont associées aux phénomènes extatiques non occidentaux. Depuis plusieurs siècles l’Occident se trouve dans un processus de sécularisation: les représentations, normes et activités religieuses sont substituées par des équivalents non religieux. Cela est décisif pour le processus total de l’évolution de la société occidentale. Reconnaître qu’une chose est inévitable ne veut pas dire qu’on y applaudisse; pour cela je veux affirmer expressément que je considère la sécularisation de la société et de la conscience, malgré l’incertitude et les crises qu’elle cause, comme l’une des rares grandes acquisitions de 1*Occident moderne. Par conséquent, si la religion occidentale traditionnelle (dont les formes se sont développées en rapport immédiat avec les autres aspects de cette société) cesse de satisfaire, il n’est guère besoin de dire qu’on ne pm peut pas remplir le vide avec des religions pareilles mais développées autre part.

            Si je maintiens que l’extase ne doit pas avoir nécessairement une forme religieuse concrète, cela n’implique pas qu’elle puisse être amorphe. En ce qui concerne les problèmes qui sont a la base de l’extase, c’est seulement par certains éléments formels qu’on arrive a les exprimer et a les surmonter, Si nous voulons féconder l’Occident par l’extase, nous avons a développer une nouvelle solution formelle pour le processus extatique, parallèle aux formes religieuses concrètes de l’extase non-occidentale. Et c’est précisément dans cet aspect qu’on devra profiter des acquisitions techniques (évidentes, malgré tout) de l’art occidental.

            Je suis de l’ avis de M. Khaznadar, pourvu qu’on place le “sens du sacré’ dans la profondeur, et qu’on ma le relie a cette espèce d’expériences essentielles que les phénomènes de transe non Occidentaux aussi bien que bien que d’une façon moins complète « les arts occidentaux cherchent a provoquer. On pourrait tacher de remplir le vide moderne par des formes culturelles nouvelles, en réunissant l’extase non-occidentale et l’art occidental.

 

(1) C. Khaznadar, Les danses de possession sont-elles “des danses sauvages”?, dans: Jeune Afrique no.510, 13 octobre 1970, p. 56-58.

(2) J. Duvignaud, Chebika, Paris 1968 traduit en anglais sous le titre: Change at Shebika, Londres 1970.



[1] Traduction très provisoire d’un article néerlandais intitulé ‘Extase en het westen’, paru dans la revue Dansbalans (Pays Bas), octobre 1971, pp. 30-34.

 

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      The illustrations in the heading of this webpage:
  1. The background photograph shows a women's work group (mainly drawn from the family of chief Hillal bin Hassuna), from the village of Sidi Mhammad, harvesting rye near the shrine of Bu Qasbaya al-Kabir, late spring 1968;
  2. the same illustration repeated in the original black and white, bottom left of the page head;
  3. top centre left: the shrine (mzara) of the neighbourhood of Qa'a Raml, village of Sidi Mhammad, late spring 2003 -- the fresh pious gifts show that the cult is still alive and kicking -- note the car bumper which has come to replace cork plates as the shrine's traditional roofing;
  4. top centre right: the domed shrines (qubba) of Sidi Mhammad al-Wilda (the Son) in the village of Sidi Mhammad, late spring 2002 -- note how the excessive erosion of 1968 is no longer in evidence, due to the local villagers' decades of reafforestation efforts, in the context of the Tunisian state's unemployment relief work -- the photo is slightly misleading in that it just keeps out of view the extensive Qur'anic school complex which external, formal Islamic interests have erected just twenty meters north of the shrine of Sidi Mhammad, in the mid-1970s;
  5. right: a Khumiri warrior, photographed (no doubt under carefully arranged near-studio conditions( by Garrigues c. 1880, and reproduced in Bertholon, L., & Chantre, E., 1913, Recherches anthropologiques dans la Berbérie orientale, Tripolitaine, Tunisie, Algérie, 2 vols., Lyon: Rey -- a colonial anthropological study on Tunisia.